Communiqué : rapport d’experts VIH 2013, nouvelles recommandations

Le premier rapport « Recommandations pour la prise en charge médicale des personnes atteintes par le VIH en France» date de 1990. L’originalité de ces rapports, qui sont actualisés à intervalles de 2 à 3 ans, repose sur un travail collaboratif d’experts de différentes disciplines (en épidémiologie, clinique, thérapeutique, sciences humaines et sociales, organisation des soins …) et de représentants associatifs. Pour la première fois, la responsabilité du rapport 2013 a été confiée par le Ministère de la santé au CNS (Conseil national du sida) et à l’ANRS (Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales). Le Pr Philippe Morlat (CHU et Université de Bordeaux) en a assuré la direction.

Le « groupe d’experts » 2013 est composé de 21 cliniciens, biologistes et scientifiques et de 2 représentants du milieu associatif. Il s’est appuyé sur l’expertise de 16 « commissions de travail » thématisées et sur des audits de personnalités qualifiées. Au total, plus de 240 contributeurs d’horizons très variés auront ainsi participé à ce nouveau rapport. Les experts ayant contribué au rapport 2013 ont été renouvelés de moitié par rapport au groupe précédent. Les déclarations publiques d’intérêt des membres du groupe sont accessibles sur le site internet du CNS[1]. Les travaux se sont déroulés durant le premier semestre 2013.

L’analyse des données disponibles dans les domaines épidémiologiques, du dépistage, de la prévention, du traitement antirétroviral de l’adulte et l’enfant et sa surveillance clinique et virologique, de la prise en charge clinique, biologique et thérapeutique des pathologies associées, du désir d’enfant et grossesse, des accidents d’exposition au sang et sexuels, ainsi que les connaissances sur l’organisation des soins, des conditions de vie des personnes vivant avec le VIH, auxquelles s’ajoutent des données socio-économiques et des considérations éthiques, ont abouti à recommander, en particulier :

Traitement
– La mise en place d’un traitement antirétroviral chez toute personne vivant avec le VIH. Cette recommandation s’appuie sur l’amélioration du rapport bénéfice/risque des trithérapies les plus récentes et la mise en évidence de l’intérêt majeur du traitement pour limiter la transmission du VIH [« treatment as prevention » (TASP)]. Jusqu’alors la présence de caractéristiques cliniques ou biologiques était nécessaire pour recommander l’initiation d’une thérapie. Par ailleurs, et pour la première fois, le choix préférentiel des combinaisons antirétrovirales a pris en compte le coût des médicaments antirétroviraux.

Dépistage
– Le réajustement des recommandations antérieures (datant de la mise en place du plan VIH 2010-2014) de dépistage généralisé de l’infection VIH dans la population. Les experts recommandent de proposer un dépistage devant de nombreuses situations cliniques ou biologiques évoquant l’infection et/ou l’appartenance à des populations où la prévalence de l’infection est la plus élevée d’une part, et d’autre part à des personnes sans test de dépistage récent lorsque l’occasion de proposer le test se présente. Les médecins généralistes doivent jouer un rôle de premier plan. Cette recommandation vise à réduire le nombre de personnes ignorant leur séropositivité VIH, estimé en France à 28 000 (alors que 114 000 environ connaissent leur statut sérologique). Trois groupes (de taille globalement similaire) de populations sont concernés : hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH), migrants d’Afrique subsaharienne et hommes et femmes hétérosexuels nés en France.

– La mise à disposition plus large des tests rapides à orientation diagnostique (TROD) notamment en dehors des lieux traditionnels de dépistage afin d’atteindre les personnes échappant au dépistage « traditionnel ».

– La mise à disposition des autotests de dépistage (réalisés par la personne elle-même) sous réserve de mesures d’accompagnement et d’une évaluation prospective.

– L’amélioration du dépistage dans les lieux de privation de liberté.

– Le couplage de l’offre du dépistage des hépatites virales B et C et des infections sexuellement transmissibles (IST) à celui de l’infection VIH.

Par ces recommandations, le groupe défend ainsi le principe qu’en permettant au plus grand nombre de PVVIH de connaitre leur statut sérologique et en leur proposant un traitement dès le diagnostic, on peut limiter grandement l’épidémie.

Prévention
– La promotion d’une prévention « combinée » associant mesures comportementales, stratégies de dépistage, et traitement antirétroviral. Cette mesure de prévention doit être particulièrement intense dans les populations où le nombre de nouvelles contaminations est le plus élevé (l’incidence annuelle est estimée à 1000 pour 100 000 chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes – HSH-, 240 pour 100 000 chez les personnes originaires d’Afrique subsaharienne, 90 pour 100 000 chez les usagers de drogues). L’infection par le VIH au sein de la population des départements français d’Amérique (59 cas diagnostiqués pour 100 000 par an, notamment la Guyane : 147 pour 100 000 habitants par an) est jugée suffisamment préoccupante pour que soit développée dans ces régions une approche de prévention renforcée.

– Le recours à des dispositifs pilotes de mise à disposition de traitements pré- expositions (Prep) chez des personnes séronégatives qui sont à haut risque de contamination par le VIH.

– La fusion des consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) et des consultations de dépistage et de diagnostic des IST (CIDDIST). Ce regroupement pourrait permettre notamment qu’y soit prescrit le traitement post-exposition et de développer des approches de santé sexuelle.

– La prise en considération du désir de conception naturelle d’enfants au sein des couples sérodifférents (l’un est positif pour le VIH, l’autre non), sous réserve d’un contrôle virologique par le traitement chez la personne séropositive. Cette mesure est désormais une alternative possible à l’assistance médicale à la procréation jusqu’ici exclusivement préconisée.

– Enfin, un point essentiel pour le groupe d’experts, l’éducation à la sexualité chez les jeunes scolarisés et hors milieu scolaire doit être renforcée, afin de promouvoir les moyens de prévention du VIH et des IST.

Maladies associées
– Le dépistage, le suivi et le traitement des principales affections pouvant survenir chez les PVVIH. Ces maladies sont désormais de plus en plus fréquentes car l’espérance de vie sous traitement augmente régulièrement ; ainsi les cancers représentent désormais environ un tiers des causes de décès des PVVIH. Les hépatites virales chroniques (un quart des PVVIH sont également infectées par l’un des deux virus des hépatites) et les maladies cardio-vasculaires et métaboliques sont également très fréquentes. La sensibilisation des médecins généralistes et spécialistes à ces co-morbidités doit être favorisée.

Gouvernance
– L’évolution du parcours de soins des PVVIH. Une meilleure complémentarité entre les dispositifs de prise en charge hospitalière et la médecine libérale, en particulier la médecine générale, est préconisée.

– L’adaptation des structures d’accueil des personnes âgées ou handicapées aux PVVIH. Cette recommandation s’appuie notamment sur les données épidémiologiques qui constatent un vieillissement de la population vivant avec le VIH.

– L’adaptation des missions et de l’organisation des comités de coordination de la lutte contre l’infection par le VIH (COREVIH) afin de mieux affirmer leur place dans la gouvernance régionale et nationale de la santé.

– L’amélioration de l’accès aux soins, à l’emploi, aux droits sociaux et à l’hébergement, en particulier pour les personnes précaires.

– Le rappel des dispositions visant à lutter contre les discriminations, la vigilance en ce domaine devant sans cesse être maintenue.

– Le soutien aux associations de patients réalisant un accompagnement pluridisciplinaire des PVVIH, regroupant des activités de soutien sanitaire, social et psychologique.

L’ensemble des recommandations, précédé d’un descriptif de la méthodologie et des règles appliquées pour la conduite de ce rapport, sera édité par la Documentation Française le 26 septembre 2013 sous le titre « Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH : Recommandations du groupe d’experts – Rapport 2013 » (476 p, 30 €) et mis en ligne courant octobre sur le site du ministère de la santé (www.gouv.sante.fr).

Contacts presse :
Pr Philippe Morlat
CHU et Université de Bordeaux
philippe.morlat@chu-bordeaux.fr
Tel : 05 56 79 58 23 ou 26

CNS :
Julien Bressy
julien.bressy@sante.gouv.fr
Tel : 01 40 56 68 52

ANRS :
Marie-Christine Simon
marie-christine.simon@anrs.fr
Tel : 01 53 94 60 30